Le « champignon jaune » ou yellow fungus disease :
Jusqu’en 2006, on pensait que les reptiles ne pouvaient pas attraper de maladies fongiques, sauf en tant que complication d’une autre maladie. Dans ce cas on retrouvait la flore normale de l’animal qui proliférait de façon anormale (la peau saine est porteuse de champignons).Mais récemment, on a vu apparaître en Amérique de plus en plus de cas de reptiles couverts de plaques jaunes sur le corps, qui finissaient par en mourir.
Epidémiologie :
Ces signes cliniques ont été observés principalement chez des Pogona vitticeps. Les cas peuvent prendre une allure épidémique dans les élevages. Les premiers prélèvements analysés en laboratoire ont donné comme résultat « souche atypique de Trichophyton » (teigne) ou « de Geotrichum », des champignons plus courants. En réalité on sait maintenant qu’il s’agit de l’anamorphe Chrysosporium de Nannizziopsis vriesii (CANV). Ce champignon ascomycète appartient à la famille des Onygenaceae. Avant la récente découverte du yellow fungus, il n’a été isolé que deux fois : sur un lézard Ameiva sp. et dans le sol californien [1]. La relation entre le pathogène et le champignon originaire du sol n’a pas encore été établie. Le CANV a été isolé de toutes les lésions de yellow fungus chez des Pogona vitticeps mais il est rarement isolé de la peau saine des agames, au contraire de champignons comme Aspergillus. Ce n’est pas un saprophyte. Expérimentalement, l’inoculation de ce champignon à des caméléons calyptratus a recréé les mêmes lésions [2]. Il semblerait donc que ce soit un agent pathogène primaire.
A l’heure actuelle, des infections par le CANV ont été rapportée chez des lézards, des serpents et des crocodiles : Chamelo jacksonii, Furcifer lateralis [3], Calumna parsoni, Erpeton tentaculum [4] au Canada, des alligators [5] et Acrochordus en Australie, un Python regius en Grande-Bretagne, des Phelsuma aux Pays Bas, Pogona vitticeps , Boiga irregularis, Pantherophis guttatus , Lampropeltis sp. et Thamnophis sp. aux Etats-Unis [1]. Chez les Pogona vitticeps, il semble que les épidémies se déclenchent fréquemment suite à un traitement antibiotique sur la coccidiose. Cela explique peut être la fréquence de la maladie dans cette espèce.
La contagion peut avoir lieu par contact direct mais aussi via les mains du soigneur. En effet le champignon forme des arthroconidies qui se détachent de l’animal infecté. Une transmission de la mère aux œufs (transmission verticale) est suspectée car on a observé des cas chez de très jeunes reptiles sans contact avec le reste de la colonie. Mais la transmission pourrait être due au propriétaire dans ce cas : une étude scientifique est nécessaire pour confirmer la transmission verticale. Il semblerait à ce jour que le champignon ait un aspect différent selon les espèces. Cela suggère qu’il soit assez spécifique [1]mais la preuve n’a pas encore été établie. La contagion entre espèce pourrait être possible via des mutations ou des changements de forme.
Symptômes :
Le nom scientifique donné au yellow fungus est une dermatomycose granulomateuse profonde. La maladie peut commencer par un ou plusieurs plaques nécrotiques sur la peau de la tête, les membres ou le corps. On observe une coalescence des plaques. Le tissu nécrosé peut tomber : le derme ulcéré apparaît. L’infection fongique peut progresser ensuite en profondeur dans les muscles et les os. Pour voir des photos, référez-vous au lien suivant :
http://www.reptilerooms.com/Sections+in ... age-1.html.
Certains auteurs pensent que l’infection touche aussi le tube digestif. [6] En effet on a mis en évidence des hyphes du champignon dans le foie de Pogona vitticeps atteints [7].
Traitement :
Le traitement comprend des applications d’antifongiques locaux (Lamisil® par exemple), le traitement local des plaies avec un désinfectant antifongique (chlorhexidine 0,05% par exemple), et des traitements antifongiques systémiques dans les cas les plus avancés. La guérison peut être obtenue en 24 heures à plusieurs mois si le traitement est commencé tôt. Il est conseillé de continuer le traitement 2 semaines après la disparition des lésions externes. En cas de récidive on traite jusqu’à 1 mois après la disparition des lésions.
Les traitements oraux ont de nombreux effets secondaires. Notamment les azolés (fluconazole, itraconazole) qui sont les plus efficaces, peuvent entrainer des insuffisances hépatiques. C’est pourquoi les traitements systémiques sont prescrits en dernier recours, en hospitalisation avec des soins de support : hydratation de l’animal, analgésie… Dans les cas très avancés d’infections de membres, une amputation est parfois nécessaire.
Les probiotiques pourraient constituer un traitement adjuvant intéressant pour modifier la flore ntestinale. Il est conseillé de retirer les fruits de l’alimentation des animaux atteints, notamment chez le Pogona, car les champignons sont friands de sucres comme le fructose.
La désinfection de l’environnement est un élément important du traitement. Le terrarium doit être aménagé avec des papiers jetables au sol, renouvelés quotidiennement. Le nettoyage puis la désinfection avec de l’eau de Javel diluée au 1:100 doivent être effectués tous les jours. Dans les élevages, les individus atteints doivent être isolés dans une pièce distincte de la quarantaine afin de ne pas contaminer les nouveaux animaux.
Conclusion :
Cette maladie fongique émergente est guérissable sans séquelles à condition et de commencer le traitement rapidement. Cela implique que les propriétaires de reptiles détectent les premiers signes de la maladie et emmène leur animal chez le vétérinaire dans les plus brefs délais.
1. Mader, D., Reptile Medcine and Surgery. Second Edition ed. 2006, St. Louis: Saunders Elsevier.
2. Pare, A., et al., Pathogenicity of the Chrysosporium anamorph of Nannizziopsis vriesii for veiled chameleons (Chamaeleo calyptratus). Med Mycol, 2006. 44(1): p. 25-31.
3. Pare, J.A., et al., Cutaneous mycoses in chameleons caused by the Chrysosporium anamorph of Nannizziopsis vriesii (Apinis) Currah. J Zoo Wildl Med, 1997. 28(4): p. 443-53.
4. Bertelsen, M.F., et al., Fatal cutaneous mycosis in tentacled snakes (Erpeton tentaculatum) caused by the Chrysosporium anamorph of Nannizziopsis vriesii. J Zoo Wildl Med, 2005. 36(1): p. 82-7.
5. Thomas, A.D., et al., Chrysosporium anamorph of Nannizziopsis vriesii associated with fatal cutaneous mycoses in the salt-water crocodile (Crocodylus porosus). Med Mycol, 2002. 40(2): p. 143-51.
6. Smith, C. (2003) Yellow Fungus: Possible Cause & Effects.
7. Bowman, M.R., et al., Deep fungal dermatitis in three inland bearded dragons (Pogona vitticeps) caused by the Chrysosporium anamorph of Nannizziopsis vriesii. Med Mycol, 2007. 45(4): p. 371-6.
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